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  • eric1980

De bonnes raisons d’avoir des « chouchous »!


25 juin 2015, publié par le Chantier de l’économie sociale

Une réplique du Chantier Économie Sociale au texte de Nathalie Elgrably-Lévy – « Les chouchous de M. Coderre », paru dans le Journal de Montréal du 21 juin 2015 qui démontre une incompréhension flagrante de l’économie sociale et de l’achat responsable. Rétablissons un peu les faits!

De bonnes raisons d’avoir des « chouchous »!

Le 21 juin dernier, sous la plume de Nathalie Elgrably-Lévy, le Journal de Montréal publiait un article intitulé « Les chouchous de M. Coderre ». Comme exemple d’une mauvaise foi délibérée et idéologique, elle n’aura pas pu faire mieux!

La semaine dernière, devant la Chambre de commerce, le maire a annoncé l’intention de la Ville de Montréal d’octroyer 10% de ses contrats à des entreprises d’économie sociale et PME naissantes. Il n’en fallait pas plus à madame Elgrably-Lévy pour sortir l’artillerie lourde et tenter de descendre en flèche une initiative plutôt intéressante en érigeant des amalgames aussi faux que trompeurs.

D’entrée  de jeu, elle tente d’assimiler cette annonce aux pratiques de corruption, collusion et de malversations révélées  par  la Commission Charbonneau. En organisant son propos sur la base d’un lien aussi douteux, elle démontre  une ignorance manifeste de la réalité des entreprises d’économie sociale. S’il y a une chose que la Commission Charbonneau a démontré c’est plutôt que l’appât du gain et la volonté d’accumuler sans fin des profits constituent la principale motivation des entrepreneurs véreux à frauder le système. Comment peut-on sérieusement associer l’économie sociale à ces pratiques malhonnêtes quand on sait que ces entreprises n’ont jamais pour objectif premier de faire du profit mais, au contraire, de répondre à un besoin de la communauté dans laquelle elles s’implantent. Bien sûr, les dirigeants de ces entreprises se soucient aussi de rentabilité pour assurer la poursuite de leur mission, néanmoins loin s’en faut d’affirmer la même chose pour l’appât du gain! Au contraire, par les règles qui encadrent  les entreprises d’économie sociale, les surplus doivent être retournés  aux membres ou à la collectivité.

Plus encore, la transparence fait partie de l’ADN des entreprises collectives qui sont, par définition, gérées démocratiquement.  En fait, on est à des années lumières des pratiques  dévoilées tout au long de la Commission Charbonneau. Une transparence qui, par ailleurs, se base sur une triple reddition de comptes, à la fois économique, sociale et environnementale! Pas surprenant alors qu’aucune entreprise d’économie sociale n’ait été mise en cause dans ce qu’il convient maintenant de reconnaître comme étant la plus grande opération de dévoilement d’un favoritisme systématisé et frauduleux aux dépens des citoyens.

Dans ce contexte, affirmer que la discrimination positive en faveur des entreprises d’économie sociale équivaut à « sortir le mérite pour faire place au favoritisme » résulte non seulement d’une vision complètement déformée de la réalité mais d’un refus borné de reconnaître qu’il est grandement temps que des entreprises qui bénéficient des contrats publics assument également une responsabilité sociale exemplaire. Au moment où les  ressources sont rares pour répondre à l’ensemble des besoins sociaux,  quelle meilleure stratégie que d’encourager des entreprises  qui visent non pas le rendement à une poignée d’actionnaires ou de dirigeants mais un rendement à la collectivité.  Ce type de politiques sur lesquelles s’appuie le maire Coderre s’inscrit d’ailleurs dans un mouvement international, elles se répandent dans plusieurs pays d’Europe, on les voit même apparaître dans certaines grandes villes américaines… et avec raison! Ce n’est pas LA croissance tout court qui est à l’ordre du jour mais plutôt une croissance et une prospérité inclusive. L’approche du maire Coderre va totalement dans cette direction et représente le gros bon sens. Lorsque madame Elgrably-Lévy affirme que la discrimination positive en faveur des entreprises d’économie sociale équivaut à « sortir le mérite pour faire place au favoritisme », elle affirme surtout une volonté manifeste de ne pas changer la manière de faire les choses. Avec un peu de mauvaise foi, on pourrait aussi croire qu’elle cherche surtout à défendre la position avantageuse de nombreux amis de l’Institut économique de Montréal.

Il faut avoir la tête dans le sable pour ne pas reconnaître que le modèle économique actuel est de plus en plus remis en question quant à sa capacité à générer des effets sociaux positifs. Le fait que le Fonds monétaire internationale (FMI) reconnaisse maintenant qu’il ne suffit pas de créer de la richesse pour que les inégalités sociales se résorbent d’elles-mêmes ne devrait-il pas allumer une lanterne chez les tenants d’un capitalisme sauvage où toute intervention de l’État est diabolisée? Du FMI à l’OCDE en passant par la Commission européenne et des économistes de renommée internationale, il est reconnu de plus en plus largement que les inégalités sociales et les dégâts  environnementaux qui découlent d’une vision « tout au marché » ne sont pas seulement néfastes pour les populations et la planète, mais elles représentent également des freins à une économie saine et durable. Que nos élus cherchent à utiliser le pouvoir d’achat de nos institutions publiques pour mieux intégrer les finalités sociales dans les pratiques des entreprises, qu’elles soient privées ou collectives, doit être considéré comme une bonne nouvelle et un pas en avant vers une gouvernance responsable et durable.

Dans sa chronique, Madame Elgrably-Lévy condamne de nouveaux « privilèges ».  Elle remet en question un changement en faveur du plus grand nombre plutôt qu’en faveur d’une minorité motivée par leurs richesses personnelles.  Mais ses hauts cris ressemblent étrangement au joueur de tennis qui sent le vent tourner et qui sait d’instinct que le changement sera profitable à son adversaire. Dans cet esprit, qu’elle mène une charge de front contre le changement semble plutôt une bonne nouvelle. Saluons donc l’initiative du maire de Montréal qui donne à la majorité trop souvent silencieuse un petit coup de pouce pour rééquilibrer les forces. Une discrimination positive dans 10% des contrats octroyés par la Ville ne constitue pas un changement économique et social colossal. Il n’en demeure pas moins que pour une fois le vent souffle dans le bon sens!

L’article a d’abord été publié ici: http://www.chantier.qc.ca/?module=document&uid=2214


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